22 Nov Retour des RADI/RAF 2017
Comme tous les ans depuis 2009 se tient un événement discret, mais important, pour le monde de l’animation francophone : les RADI et les RAF. Nous y étions.
Les Rencontres Animation Développement Innovation (RADI) et les Rencontres Animation Formation (RAF) se tiennent respectivement depuis 3 et 9 ans dans la ville d’Angoulême. C’est le Pôle Magelis, le pôle Image de la ville, qui organise cet événement. Car bien qu’Angoulême soit mondialement connue pour sa relation au monde de la BD, c’est aussi le second bassin d’emplois dans l’animation, après l’Île-de-France. Pour vous donner une idée, 31 studios d’animation sont recensés à Angoulême sur une grosse centaine en France. Contre une dizaine dans toute l’Occitanie.
Les RAF ont eu pour but de réunir les studios et les centres de formation français. Un paysage éclectique, interdépendant, qui avait besoin d’une tribune pour discuter et échanger les politiques de formation et de recrutement. Se retrouvent les studios (petits et gros), les écoles (publiques et privées), les syndicats des patrons (SPFA) et des salariés (CGT, SNTPCT, …), notre OPCA (l’organisme de formation AFDAS), les représentants de notre ministère via la présence importante du CNC, mais aussi quelques représentants des délégations culturelles régionales, l’AFCA, et des indépendants.
C’est l’occasion de faire un bilan chiffré du secteur, qui se porte bien malgré les difficultés. Les chiffres sont présentés à Annecy, mais détaillés lors des RAF. Vous pouvez lire un résumé ou bien le rapport complet.
Pendant ces deux jours, les RAF sont aussi l’occasion de réfléchir aux nouvelles méthodes d’éducation dans notre milieu. Les réformes et mutations, avec par exemple l’évolution en cours des Diplômes des Métiers d’Arts, diplômes publics. De voir comment compenser la pénurie de certains métiers. Ou bien comment réfléchir à la formation des professionnels dans un milieu en constante mutation.
Et puis le studio TAT, de Toulouse, a pu présenter son travail sur leur long métrage Les As de la jungle. Un travail exceptionnel au regard des délais, du budget et de la taille de l’équipe. Le film connaît un succès en salle bien mérité !
Les RAF permettent aussi lors des déjeuners et dîners organisés de nombreux et importants échanges, plus ou moins informels, que des événements trop gros comme le festival d’Annecy ne permettent pas.
Mais nous étions aussi présents, et ce depuis 3 ans, à la journée qui précède les RAF : les RADI. Cette journée se concentre sur le socle dont dépendent aujourd’hui toutes les productions : la technique. Faire un film en image numérique est un processus très complexe qui dépend d’innovations technologiques pointues et complexes à maîtriser. Les RADI ont pour objectif de faire un focus sur ces questions. Les Fées Spéciales, qui porte un intérêt particulier à l’innovation technologique ne pouvait rater l’occasion.
Le matin s’ouvrait sur 3 études de cas de studios qui présentaient leurs départements de Recherche et Développement (R&D). Chaque studio est unique, et dans l’animation chaque projet est un prototype. Chacun trouve ses recettes pour y répondre au mieux. Mais des problématiques communes existent et nous devons en parler.
Car c’était le sujet de la table ronde « vous avez dit pipeline ? » qui suivait les études de cas. Table ronde à l’initiative de Flavio Perez, fée directeur technique, et à laquelle il participait. Il était accompagné de Dorian Février, TD (Technical Director) au studio Hari, et Damien Courreau, développeur du studio Supamonks. L’heure n’a pas suffi pour aborder tous les points qui avaient été préparés : définitions des termes, utilités de ces postes dans les structures, la question très compliquée de leur formation, et bien entendu, une question importante pour les Fées, la place du logiciel libre.
Mais comment créer des vocations si personne ne connaît l’existence de ces métiers ? C’est globalement la question de la communication et du transfert de savoir qui nous animait. Car l’an dernier tous les studios présents évoquaient leur crainte de ne pas pouvoir embaucher ces postes fondamentaux. Quand on voit un making of ce n’est souvent que l’aspect artistique qui est montré : comment les modèles sont créés et mis en couleurs ? Comment c’est animé ? Comment la musique est faite et comment c’est mis en lumière et composé ? sont une parties des question abordées. Mais les fondations techniques, et les questions d’organisation ne le sont jamais. Or si on ne crée pas de vocations, on ne forme pas, et si on ne forme pas on n’embauche pas.
Si les studios ne font pas cet effort de communication autour des questions techniques, le socle commun des connaissances nécessaires est pauvre ou inexistant. Les étudiants n’ont, par exemple, aucun moyen de savoir ce qui existe dans les studios. Et ces derniers ne peuvent se former qu’à une partie des réalités du monde professionnel. On a alors souvent besoin de nombreuses années d’expérience, pour transformer un graphiste en directeur technique.
Toutes ces questions sont difficilement abordées par les studios, qui ont parfois du mal à saisir la pleine réalité de ces sujets (très) techniques. La question du libre arrive même à effrayer certains producteurs, et un travail de pédagogie est nécessaire. Nous reviendrons sur des initiatives qui se mettent en place dans cette direction.
L’après-midi a fait la part belle au logiciel libre Blender. Le logiciel, que nous avons mis au cœur de notre processus, et que nous défendons depuis le début, était vu comme une solution très marginale. René Broca, le maître de cérémonie le rappelait, « Il y a encore 3 ans quand je demandai à Virginie Guilminot, Flavio Perez, Anne-Laure George-Molland (Montpellier 3) et Cédric Plessiet (Paris 8) de parler de Blender, ils passaient pour des fous ». Aujourd’hui des productions entières sont sorties de Blender et de plus en plus de studios l’intègrent dans leur chaîne.
Autour de Minuit présentait sa très belle série Non-Non (52x7mn) dont le spécial (26mn) passera sur Canal+ à Noël. Et Normaal animation présentait la tout aussi jolie série Ella, Oscar & Hoo (52×11 mn) issue des contes de Michael Dudok De Wit (la Tortue rouge).
Tous deux revenaient sur les difficultés d’embauche de postes dans Blender. Problématique que nous avions par ailleurs sentie depuis le début en créant la section formation spécifique à Blender. Et présentaient les solutions mises en place notamment par notre ancien collaborateur Christophe Seux, formé à Paris 8. La question de la mutualisation et du partage des outils était finalement sous-jacente de toute la conversation.
Vous pouvez découvrir la bande annonce de Non-Non sur Vimeo.
Le reste de l’après-midi a permis la présentation d’outils innovants, disponibles ou en fabrication. C’était notamment le cas de la suite logicielle libre CGWire, de Frank Rousseau, suite de gestion de production audiovisuelle, dont nous participons à financer. Nous vous en reparlerons aussi !
À noter la visite qui nous a été proposée du beau musée du papier d’Angoulême, avec une exposition temporaire jusqu’à fin décembre de Li Hongbo : quand la sculpture devient créature. Nous recommandons vivement de faire la visite avec le guide qui pourra manipuler ces sculptures pour un effet incroyable.
Et puis nous avons pu faire un saut chez Normaal Angoulême, pour voir les ateliers ou Fée Eric y réalise actuellement la fabrication de Bonjour le Monde, série en stop motion naturaliste de 9x10mn. Le projet avance intensément et nous pouvons vous montrer ces quelques photos de coulisses.
Encore une fois merci à toute l’équipe de Magelis pour l’accueil ! Et pour cet événement très important et unique dans le paysage francophone et probablement européen. Merci à René Broca, organisateur hors pair, qui démontre tous les ans par ses choix la diversité qui existe dans ce petit milieu.
Crédits photos : Grégory Brandel
Crédits dessins : Naïs Coq