RAN 2024

RAN 2024

Quand les fées se penchent sur la Préhistoire.

Emma Baus, réalisatrice et Eric Serre, directeur artistique du studio présentent le 18 octobre 2024 les secrets de fabrications du documentaire lors des journées professionnelles des RAN 12e édition, les Rencontres Archéologiques de Narbonne.

Animé par Pedro Lima, journaliste scientifique et modérateur de ces conférences, la conférence détaille les enjeux de médiation et les défis technologique du film : comment uniformiser la direction artistique d’un projet avec des séquences de nature disparate ? Comment concevoir entre art et science les visualisations scientifiques, les coupes stratigraphiques ou bien reconstruire le portrait-robot du fossile Arago21 et d’autres humains primitifs, d’après les dernières recherches scientifiques.

Le film documentaire de 90 minutes a été réalisé pour la case Science Grand Format de France 5 et diffusé en prime-time le 28 novembre 2024. Ce soir là, le film a rassemblé plus de 977 000 spectateurs. Exceptionnel!

Mais revenons à nos fossiles et à la conférence. En premier lieu, le film est grandement été tourné en prise de vue réelle, nécessitant de rigoureuses séances sur le terrain ou en laboratoire.

Le tournage des séquences de fouilles ou en laboratoire a pu être réalisés avec la participation de la paléo-anthropologue Amélie Vialet, conseillère scientifique et fil conducteur du récit d’enquête.
Un des défis de ce film est de présenter de manière fidèle et compréhensible la fameuse Caune de l’Arago.

Particularité de cette grotte: elle possède une quinzaine de niveaux de fouilles datées entre 560 000 et 400 000 ans, une quantité phénoménale de fossiles de tous les âges.
Aussi pour incarner notre plongée dans le passé et expliquer  toute la complexité stratigraphique de la grotte, Emma Baus, Eric Serre, et Marie Saby à la direction artistique ont imaginés des séquences animés hautes en couleur, graphiques et synthétiques.

Le film a une ambition esthétique forte : les séquences tournées en labo et en musée sont construites dans une colorimétrie pop, très flashy. Beaucoup de fuchsia ou de bleu vif notamment. Tandis que les séquences de fouille sont d’une dominance colorée ocre. Aussi le travail d’ajustement des couleurs entre les séquences animées et la prise de vue réelle a nécessité un travail subtil de colorimétrie pour que le mélange soit le plus fluide possible.

Les cartographies ont nécessité, elles aussi, une approche originale. Tout en s’appuyant sur des relevés scientifiques, elles doivent suivre l’unité graphique du film. Un développement technique est nécessaire pour résoudre ces problématiques. Ce sont Damien Picard et Alexis Poinot qui se sont chargés de les concevoir sur Blender.

L’autre caractéristique des séquences d’animation est de mieux saisir toute la particularité des Homo heidelbergensis, et ce qui les distingue de notre espèce Homo sapiens et les rapproche de l’Homo neandertalis ou vice versa. Ces animations appelées forensic nous permettent de décliner les codes de l’identification signalétique telle qu’elle est utilisée dans le cadre des enquêtes de police scientifique.

Pour construire l’image d’Arago 21, nous avons utilisé les scans 3D des fossiles, puis nous avons élaboré squelettes et enveloppe pour établir un spécimen. La recréation du visage des humains est un sujet passionnant et complexe, qui nous a fait progressé techniquement. Le rendu non réaliste a permis d’apporter la touche expressive et originale au propos scientifique. Ce travail a été mené de main de maître par Pascal Larramendy au modeling-rigging, et Alexis Poinot au texturing-rendering.

Autre sujet de pointe: l’arbre généalogique du genre Homo: c’est peut-être l’exercice le plus complexe à représenter tant les connaissances sont parcellaires. Quelques étapes de la progression de ce buisson humain.

Enfin, le dernier défi de ces séquences animées se trouve dans la représentation des groupes préhistoriques humains, alors qu’on en sait encore si peu sur leurs apparences. L’une des rares certitudes que nous ayons, c’est qu’ils ont foulé les mêmes lieux que notre propre espèce.

Nous faisons donc le choix de les représenter dans des lieux réels en Occitanie. Le mode de représentation en silhouettes , intégré sur la photographie, semble le plus adapté. Ces silhouettes évoluent dans un décor mais sans qu’on distingue trop précisément leurs traits, évitant un attachement du spectateur en montrant une apparence pseudo-réaliste Ici, Thomas Caudron et Ghislaine Serre , animateurs de ces séquences, ont déployer toute la sensibilité et la justesse, se concentrant sur les faits et gestes pour les rendre réellement « humains» .

Ce choix artistique illustre nos connaissances fragmentaires sur ces espèces anciennes disparus. Le traitement non réaliste est plus juste scientifiquement et quelque peu « magique » pour dépasser les aspects anatomiques stricts, tout en stimulant notre imaginaire.

Crédits

Tautavel, vivre en Europe avant Néandertal
Un film de d’Emma Baus
Création graphique: Eric Serre et Marie Saby
© Produit par Tangerine productions, France 5, en coproduction avec Minimum Moderne, avec l’aide du CNC et de la région Occitanie